La technologie évolue, l’art demeure

FRANÇOIS HOUDE, Le Nouvelliste

Ce sont deux expositions en apparence très loin l’une de l’autre mais beaucoup plus apparentée qu’il n’y paraît que présente le Centre d’exposition Léo-Ayotte du Centre des arts de Shawinigan en ce début d’année. La salle du rez-de-chaussée est consacrée à Post-it virtuel, 365 jours, 365 sculptures de Rino Côté alors qu’au premier étage, quatre artistes présentent Le sac, l’écran, le tamis, le miroir.

La première exposition est particulièrement intrigante parce qu’elle explore l’art par la lorgnette de nouvelles technologies. Il s’agit de petites sculptures toutes réalisées par impression 3D. 365 petites oeuvres comme 365 jours dans une année. Profitant des possibilités techniques qu’offre l’impression 3D, Rino Côté s’est donné comme mandat de réaliser une sculpture par jour pendant une année. Il les présente sur douze panneaux, accrochés aux murs de la salle d’exposition dans une configuration qui rappelle les pages d’un calendrier.

Le médium devient ici un élément dont on ne peut que difficilement s’abstraire comme spectateur puisqu’il est à l’origine même du projet et parce qu’il ouvre la fenêtre sur l’infini des possibilités permises par cette technologie à bien des égards révolutionnaire. Avec les potentialités, viennent aussi les questions. L’outil influence-t-il l’inspiration de l’artiste, et si oui, comment? L’art même de la sculpture est-il changé du fait que l’artiste n’a pas, avec l’impression en 3-D, de contact avec la matière dans le processus créatif? La technologie libère-t-elle l’artiste des contraintes ou en ajoute-t-elle? L’artiste a-t-il la même liberté dans la création ou peut-il devenir l’esclave de machines? L’art est-il foncièrement en train de se transformer avec l’arrivée de nouveaux outils souvent mystérieux mais aux performances incroyables?

L’exposition ne répond pas à toutes les questions mais l’exploration est très intéressante. Elle parle autant de limites que d’affranchissement. Plus important, elle parle d’art. «De plus en plus d’artistes travaillent dans le monde virtuel, explique Clémence Bélanger, responsable du centre d’exposition Léo-Ayotte. On ne peut pas les bouder ni les ignorer: ce sont des créateurs. Comme à toutes les époques, on fait face à des nouveautés qui nous forcent à élargir nos horizons et à appréhender une nouvelle réalité qui bouscule nos façons de voir. Dans le monde virtuel ou dans celui de l’impression 3-D, il faut comprendre que ce ne sont que des outils. Le meilleur des techniciens, s’il n’est pas créatif, ne produira que de la technique. Il faut savoir trouver l’art.»

La seconde exposition se veut plus traditionnelle par les médiums exploités, mais elle se veut une réflexion sur l’apparence qui n’est pas étrangère à l’exposition logeant au rez-de-chaussée. Ici, on a quatre artistes qui présentent quatre approches différentes et quatre thèmes sur un même sujet: la peau. Les artistes sont Joceline Chabot, Louise Mercure, Hélène Sarrazin et Josette Trépanier. Chacune a exploité une de quatre façons de voir la peau selon une théorie psychanalitique. Cette théorie dit que la peau peut être vue comme un sac qui renferme les organes du corps humain, comme un miroir puisque c’est d’abord par la peau que l’on perçoit l’autre, comme un tamis qui bloque tout mais laisse s’échapper la sueur où, à l’occasion, le sang ou encore un écran, une barrière qui bloque la curiosité des autres à notre égard.

Fidèles à leur médium de prédilection, les quatre femmes ont exploré chacune un thème pour donner une exposition clairement structurée en quatre temps, quatre façons foncièrement différentes d’aborder un même sujet pourtant on ne peut plus universel. Ces artistes s’expriment dans des médiums qu’on pourrait qualifier de traditionnels: dessin, encre, peinture. Cela limite-t-il leurs possibilités en comparaison d’un artiste travaillant dans le monde virtuel? Cela dicte-t-il une façon de créer? À vous de juger.
L’exposition sera présentée jusqu’au 14 février prochain et l’entrée est gratuite.

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